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Transgression

   « C’est la première fois que je n'ai pas de mots pour décrire la fin de mes vacances », pensa Ana attablée face à une Bianca dont les yeux agrandis par la curiosité attendait la suite de son récit. C’était tout simplement inimaginable. Ana se demanda même si elle n’avait pas rêvé. Mais non, des signes bien réels de ce qui avait eu lieu en témoignaient sans aucun doute possible. « Je suis moi et, en même temps, je ne le suis plus », se dit-elle. « Ma laideur et sa beauté à lui avaient-elles ouvert une porte sur une façon différente de voir le sexe ? » Elle avait l’impression de vivre une sorte de transgression des codes sociaux bien établis. D’un côté les beaux couchaient ensemble et s’aimaient et de l’autre les laids faisaient pareil. S’il y avait des ponts entre ces deux groupes, c’est qu’une femme jeune et belle couchait avec un vieux moche pour son argent ou son pouvoir, les deux ensemble parfois. Mais une jeune moche sans argent comme elle avec un jeune et bel homme comme lui, qu’est-ce que cela pouvait signifier ?

 

   Plus que l’événement et l’intense jubilation qu’il avait provoqué chez elle et apparemment chez lui, c’était ses propres repères qu’elle avait perdus. Le monde s’ordonnait tout à coup différemment comme si le regard masculin se réinventait et qu'elle, Ana, devenait enfin visible. Cela n'excluait pas pour autant une peur incontrôlable, peur que le mirage disparaisse comme il était apparu sur ce bout de plage. Mais, même s’il disparaissait un jour, il n’en demeurait pas moins que ce moment avait bel et bien existé et, ça, personne ne pourrait le lui retirer. En soi, c’était irremplaçable. Elle ne considérerait plus jamais le sexe et l'amour de la même façon. Et alors, s’impatienta Bianca. Et alors, rien finalement, se résolut à conclure Ana.

Sans titre, 2011
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