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Élisa*

   Je suis assis immobile, seul face à la Méditerranée, immensité aussi liquide et bleue que les yeux d'Elisa, partie pour un voyage si lointain et définitif que seule la certitude de la retrouver dans l'au-delà me permet de tenir le coup, même si je n'ai plus cru à Dieu et à Diable depuis que, tout petit, j'entendais mon père, pasteur de son état, déverser en chaire, un flot de paroles hypocrites que chacun de ses actes venait contredire et que le soir dans mon lit, je me répétais ad nauseam «je serai différent moi, je quitterai ce village étriqué des Highlands, je voyagerais, je serai honnête dans mes paroles et dans mes actes» et c'est ce que j'ai fait puisque, maintenant, je suis médecin, un médecin qui ne ment jamais à ses patients quelque soit la sévérité de leur maladie, un médecin qui un jour a rencontré Elisa, lors d'une consultation dont j'ignorais ce jour là qu'elle changerait le cours de ma vie aussi bien que la sienne, sans savoir non plus que ce serait pour si peu de temps car elle mourrait quelques mois plus tard de ce cancer que j'avais dû lui annoncer, la mort dans l'âme, deux ou trois consultations plus tard, déjà complètement sous le charme de ses magiques yeux bleus.

* Cette micro-nouvelle, issue d'un exercice dans un atelier d'écriture, devait être écrite en une seule phrase

Poissons bleus, 2015
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