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Amour et art abstrait*

 Axel A. accrocha son acquisition dans l’antichambre de l’appartement. C’était une audacieuse acrylique d’Achtung, un artiste allemand d’avant-garde, très apprécié des amateurs d’art. Il l’admirait quand Adrian, son amant, arriva à l’appartement.

— Alors, tu aimes mon acquisition ?

— Quoi ! Tu as acheté cette autre absurdité ! s’agaça Adrian en apercevant l’Achtung. De l’art abstrait ! Mais c’est absolument affreux… Artificiel et agressant, ajouta-t-il.

— Mais Adrian, ce n’est pas d’un artiste anonyme, c’est un Achtung !

— Achtung ou pas, c’est atroce. Et absurde d’accaparer de l’argent pour ça. Si, au moins, on apercevait des arbres, des animaux, un peu d’architecture, ce serait plus acceptable. Mais ça, un aveugle aurait pu l’accomplir !

  

   Adrian, quoiqu’amateur d’art anglais ancien, d’art antique et aussi d’art africain, était allergique à l’art abstrait. Ce qu’achetait Axel, pour lui, ce n’était pas de l’art. 

—  Combien tu l’as acheté ? asséna-t-il.

— Ce ne sont pas tes affaires, mon ami. Achtung est actuellement à l’affiche à l’Abstrait Art Agora d’Amsterdam et il ne peut qu’augmenter sa…

— Combien de fois m’as-tu avancé cet argument pour tes acquisitions ? Et qu’est-il arrivé ? Tu t’es fait arnaquer et tu n’as plus d’argent malgré celui que je t’ai avancé. Et j’attends toujours que tu t’acquittes de tes arriérés ! Alors, combien d’argent as-tu allongé pour « ton » Achtung ?

—  Ce ne sont pas tes affaires, je viens de te l’affirmer. Allons ! Allons ! Adrian, tout va s’arranger.

Sans titre, 2020

— Non ! J’en ai assez Axel. Tu ne t’acquittes d’aucune de tes affaires. Cela fait un an que je t’avertis. Tu m’affirmes abondamment que tu vas t’arrêter. Et qu’advient-il ? Tu ne fais pas plus attention qu’avant et tu augmentes tes achats. En avril, c’était une aquatinte d’un artiste andalou. Aujourd’hui, c’est Achtung, un artiste sans avenir ! Tu abuses. C’est de l’addiction ! Tu dois t’arrêter.

— Non Adrian ! Je suis audacieux. C’est ce qu’il faut pour acquérir de l’art. Et Achtung, il est… Il est admirable. Voilà !

— Tu n’es pas audacieux et ton abêtissement est abyssal ! Tu n’apprends donc rien ! Tu es plus amoureux de ton art abject que de moi. Pour toi, je ne suis qu’un agrément, avant tout argenté. Je suis à bout…

— Adrian ! Tu m’accuses. Ce n’est pas agréable et c’est aberrant, argua Axel, affecté. Et non Adrian, je t’aime avant l’art, mais ton aide… avec l’argent… pour mes acquisitions… c’est absolument…

— Assez, c’est assez. Toujours l’argent entre nous… J’arrête avec toi. Je t’abandonne à ton art.

— Non, non, ne m’abandonne pas. Je serais anéanti, je t’aime et ce serait affreux, s’alarma un Axel aussitôt anxieux.

— Oh que si, je t’abandonne ! aboya Adrian, amer. Tu ne t’amélioreras pas, je m’en aperçois aujourd’hui.

— Adrian, non, attend ! Je ne peux pas assumer ça. Non…

— Ne t’abaisse pas ainsi et, pour une fois, sois adulte ! 

   Il s’en alla sans accorder plus d’attention à Axel. Pour lui, c’était l’aboutissement appréhendé de leur aventure. Quant à Axel, abasourdi, il s’affaissa, mais ne s’abandonna pas à son affliction. L’Achtung était une acquisition appropriée et il amadouerait Adrian. Il réapparaîtrait avant l’aube à l’appartement, car il l’aimait ardemment. Ne le lui avait-il pas affirmé l’après-midi même, avant d’apercevoir l’Achtung ?

* Tous les mots principaux commencent par la lettre A.

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