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La thèse

    Le crayon tremble, il se demande s’il arrivera au bout de sa tâche. Aujourd’hui est un grand jour et il n’a pas le droit de flancher. Il jette un coup d’oeil inquiet à la main qui le tient fermement. Une belle main aussi jeune que lui est vieux. Une main lisse, sans rides sans aspérité, une main qui a l’avenir devant elle. Alors que lui, dont il ne reste qu’un petit bout tordu et mâchonné, se sent au bout du rouleau, prêt à rendre l’âme. Il a cependant conscience que, sans lui, la main seule n’aurait rien pu accomplir. Certes, elle aurait pu le remplacer par un crayon plus jeune et vigoureux, mais elle ne l’a pas fait. Combien de fois a-t-elle répété que sans lui, elle n’y serait jamais parvenue. À cette simple évocation, il se redresse et rassemble toute l’énergie qui lui reste. Il sourit même si en général les crayons ne sourient pas.
   Puis enfin, le grand moment arrive. Le crayon en tremble de plaisir. Il accompagne consciencieusement  la main qui met le point final au texte de cette thèse qui les aura tous les deux tant fait souffrir pendant quatre ans.
   Hélas, la main a été si intempestive que la mine du crayon a éclaté, mais aussi qu’il s’est fendu en deux ne laissant que quelques débris épars sur la table.
   Il ne s’attendait pas à une fin aussi tragique, mais soupire en se disant que mieux valait mourir d’un coup plutôt que subir une longue retraite dans un tiroir sombre oublié de tous.

Sans titre, 2021

© 2019 - Tous droits réservés Catherine Passerieux

Mise à jour le 22 mars 2025

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