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Son soupir mit fin au duel

    La lune brille et, elle, Marie-Anne imagine déjà le corps de son amant, plaie béante au milieu du torse, tué par l’épée meurtrière de son adversaire. Mais comment a-t-on pu en arriver à une telle extrémité ? Elle se le demande avec toute la naïveté de la jeunesse. Elle est totalement inconsciente qu’avoir deux amants fougueux, de surcroît les meilleurs amis du monde, n’allait pas avoir de conséquences désastreuses. Et voilà, la vérité dévoilée et la jalousie triomphant de l’amitié ont abouti à ce terrible duel.
  Tout à coup, elle ose se poser la question de savoir lequel des deux elle préférerait voir mourir ou survivre au duel, c’est selon. Louis, d’une beauté à couper le souffle, mais plutôt ennuyeux et fade ou Richard, physiquement moins éblouissant, mais tellement plus amusant. Un peu arrogant peut-être ?
  Soudain, elle sursaute et ressent une brûlure au cou. Elle y porte la main et s’aperçoit qu’elle a été piquée ou mordue, elle ne sait trop. Elle s’affole, car elle est allergique aux piqûres de la plupart des insectes. Elle a déjà failli mourir à deux reprises. Il s’en est fallu de peu. C’est sa nounou qui a réussi à la sauver les deux fois. Mais sa nounou est loin, probablement en train de tricoter devant le feu dans la cuisine. Personne ne sait qu’elle est au milieu de ce pré perdu en pleine campagne. Elle a dû faire preuve de beaucoup d’imagination et a élaboré un savant stratagème pour déjouer la surveillance parentale. Elle est donc complètement seule, cachée derrière l’arbre d’où elle peut assister à cette lutte épique.
  Elle ne peut alors plus se retenir et laisse échapper un soupir monumental. Les duellistes interdits s’immobilisent et ne peuvent s’empêcher de tourner leur regard vers l’endroit d’où provient ce bruit étrange et inconcevable. À leur immense stupeur, ils voient Marianne surgir de derrière son arbre en titubant, puis tomber les bras en croix dans l’herbe tendre encore couverte de la rosée nocturne.
  Un moment figés, ils se ressaisissent et se précipitent étourdis et inquiets dans sa direction. Mais la belle est morte. Le duel ne reprendra pas.

Je suis maboule, 2017

© 2019 - Tous droits réservés Catherine Passerieux

Mise à jour le 22 mars 2025

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