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L'avion jaune
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Cette nouvelle policière a été écrite en 2020, dans le cadre des activités d’un groupe d’écriture. Les titres de chapitre sont les propositions faites toutes les semaines par un membre du groupe. 
 

La première proposition, Dans le ciel bleu de l’Islande, un avion jaune disparaît, m'a toute suite plongée dans les univers des romanciers  Arnaldur Indridason et Ragnar Jonasson et de la série Trapped (Netflix). Je me suis immergée dans une Islande où, décidément, il se commet bien des crimes  !
 

Au cours d’une promenade aux environs de Siglufjördur, dans le nord de l’Islande, l’inspecteur Önuldur Gunnarsson découvre un cadavre, mais il est à trois mois de la retraite et se demande s’il a encore assez d’énergie pour mener l’enquête avec Berit Karlsdottir, sa difficile collaboratrice. Avant de lancer officiellement l’enquête, il décide donc d’entamer discrètement quelques recherches préliminaires.

Chapitre 1 - Dans le ciel bleu de l’Islande, un avion disparaît.

    

   Quand l’avion jaune disparut derrière la crête, l’inspecteur Önuldur Gunnarsson eut un petit soupir exaspéré. Il eut beau agiter les manettes de la télécommande en tous sens, rien n’y fit, l’avion restait invisible, quelque part au-delà de la colline. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se décider à grimper la pente abrupte. Que dirait Lothar, son petit-fils, s’il ne trouvait pas son avion à son retour de l’école ? Comment lui avouer qu’il l’avait « emprunté » en cet après-midi ensoleillé plutôt que d’aller faire de la paperasserie au poste de police de Siglufjördur ? 
   Malgré sa corpulence, l’inspecteur gravit d’un pas alerte les trois ou quatre cents mètres qui le séparaient du haut de la crête. Il examina ensuite le paysage autour de lui. L’air était doux, le ciel limpide et la nature odorante. Il ferma les yeux pour s’en délecter, mais les rouvrit aussitôt. Où était l’avion jaune ? Son regard professionnel balaya méthodiquement la pente en dessous de lui. « Facile, pour une fois ! » se dit-il. « Dieu merci, cet avion n’est ni vert ni gris ! » Il repéra en effet le fautif deux minutes plus tard, au beau milieu d’un amas de rochers. Cependant, l’avion jaune pointait vers le haut d’une façon étrange, comme suspendu dans les airs. Önuldur fronça les sourcils et ses yeux d’un bleu aussi clair qu’un ciel de printemps se firent plus aiguisés que des lames de couteau. Plus il se rapprochait de l’avion, plus ses doutes prenaient forme. Il essayait désespérément de croire que non, ce n’était pas vrai, que son cerveau lui jouait des tours et qu’il en avait trop vu au cours de sa carrière. Mais il dut se rendre à l’évidence, c’était bien une main qui sortait du fouillis de pierres et tenait l’avion comme un trophée. Le corps, dissimulé derrière les rochers, n’était plus qu’un magma informe et presque sans couleur. La mort devait remonter à l’automne précédent. Pourtant personne n’avait été déclaré disparu dans la région. Alors qui cela pouvait-il bien être ? 


Chapitre 2 - Bleu, jaune, lequel ? 

   Sans hésiter, Önuldur s’accroupit près du cadavre. Bien qu’il fût en partie décomposé, il constata que les jambes, du moins ce qu’il en restait, avaient une position anormale, comme si le corps avait été jeté là sans ménagement. De surcroît, le bras droit replié et tordu donnait la même impression. Önuldur supposa que cette personne, une femme au vu de sa silhouette et de la longue chevelure claire qui cachait partiellement son visage, n’était pas venue dans ce coin isolé de son plein gré. Sa tenue vestimentaire semblait le confirmer. Elle était, certes, en fort mauvais état, mais ne ressemblait en rien à l’équipement habituel des randonneurs que l’on croisait, de temps à autre, dans ces parages : une écharpe, une veste et un pantalon plutôt habillés. Et ses chaussures aussi, de simples bottillons urbains. Pas de sac, ou de sac à dos. « Un examen approfondi de la scène du crime et une autopsie nous en apprendrons plus », pensa machinalement Önuldur, en laissant errer son regard autour du corps. « Mais pas tant que ça après tout, la neige et la glace vont avoir lessivé la plupart des indices. » 
   Puis il se releva et aspira voluptueusement une grande goulée d’air frais face au paysage rocailleux où s’entremêlaient roches volcaniques aux aspérités aiguës et végétation aux teintes les plus variées : verts bleutés, rouges brunâtres, ocres. Quoiqu’il l’ait sous les yeux tous les jours depuis des années, il ne se lassait pas de cette beauté sauvage et indomptée. Par contre, pas plus aujourd’hui qu’au début de sa carrière, il ne s’habituait au crime. Peut-être encore moins, ces derniers temps. Il lui semblait toujours aussi inconcevable qu’on puisse en arriver à un degré de violence envers l’un de ses semblables au point de le violer, le torturer, l’assassiner. Parfois avec un sadisme et un plaisir évident qui l’envahissaient d’une sidération répulsive. 
   Il était sur le point de retourner à sa voiture pour téléphoner, lorsqu’il s’aperçut qu’il était en train d’oublier le petit avion jaune. Il repartit donc auprès du cadavre pour le récupérer. Il sortit son mouchoir de sa poche. Il en avait encore, au grand dam d’Elinborg, sa fille, qui se moquait souvent de lui à ce propos, et s’approcha de la main tendue comme une griffe vers le ciel. Il saisit délicatement l’avion jaune, et c’est là qu’il la vit. Une bague ou plutôt une chevalière à l’auriculaire du cadavre. Son large chaton d’un noir de jais était gravé de deux signes ressemblant à des hiéroglyphes, l’un jaune et l’autre bleu. Il sut immédiatement qu’il avait déjà vu l’un de ces signes quelque part. Mais lequel ? Le bleu ou le jaune ? Et où ? Impossible de se le rappeler, pour le moment en tout cas. Plus il essayait, moins il y arrivait.

 

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